Monozygote, hétérozygote, à deux ou à trois, se ressemblant traits pour traits ou complètement différents, les jumeaux font travailler notre imagination. Pourtant nous nous basons souvent sur des a priori et des clichés plutôt que d’essayer de comprendre ce phénomène génétique. Or un petit tour d’horizon des caractéristiques de la gémellité peut nous permettre de comprendre ce que c’est que d’avoir un jumeau ou d’avoir des jumeaux : entre explications scientifiques et conséquences psychologiques, elle est un prisme révélateur de notre rapport à l’autre.
Une affaire de génétique
Les jumeaux sont le résultat d’une même fécondation mais pas forcément du même ovule. C’est ce qu’on appelle la différence de zygosité : si les jumeaux monozygotes partagent le même ovule et donc la même identité génétique (même taillé, même couleur d’yeux ou de cheveux), les hétérozygotes sont issus de différents ovules ce qui explique leurs différences. En effet, ces derniers partagent autant de similarités que les fratries de différentes fécondations.
Ce qui est souvent oublié, c’est qu’un ovule peut se diviser en un ou plusieurs (deux ou plus) : lors d’une même fécondation de différents ovules, le partage du patrimoine génétique est donc semblable à celui qui s’opère entre les membres d’une fratrie issue de différentes fécondations, ce qui explique les différences physiques. La gémellité n’implique donc pas nécessairement une même identité génétique.
Les facteurs sont multiples : si le lien héréditaire a été établi pour expliquer la récurrence de gémellité au sein d’une même famille, les fécondations in vitro ont plus de chance de donner naissance à des jumeaux, puisqu’il s’agit d’inséminer plusieurs ovules fécondés, mais l’alimentation, la contraception, l’ethnie jouent aussi un rôle qui reste, toutefois, moindre.
Une différenciation psychologique
Les contes, les histoires, les mythes ont souvent participé à la construction d’une idée reçue tenace quant à la gémellité : deux frères ou deux sœurs nés le même jour auraient tendance soit à s’opposer de manière radicale (pensons au signe des Gémeaux, entité bicéphale représentant l’ombre et la lumière dans certaines traditions) soit à se ressembler à tel point qu’ils peuvent se faire passer l’un pour l’autre. Dans les faites, la différenciation psychologique se fait de manière beaucoup plus nuancée.
Longtemps élevé comme une paire, formant un tout à eux deux, ils ont fini par être considéré comme un couple au sein duquel chacun a sa place définie. Il est donc conseillé par les pédiatres ou pédopsychiatres d’élever les jumeaux indépendamment afin de ne pas compromettre leurs relations futures avec autrui. La gémellité a ses particularités mais ses conséquences reposent bien plus souvent sur une projection culturelle que sur une quelconque raison naturelle.
Il est intéressant de noter le fait que les jumeaux ne se considèrent jamais comme étant les mêmes. Au contraire, ils insistent souvent pour se différencier l’un de l’autre et peuvent très mal prendre une confusion de leur identité. Au fil de leur éducation, cette situation tend néanmoins à disparaître et, plutôt que d’agir l’un par rapport à l’autre, chacun s’individualise dans sa propre construction. Les études supérieures, les cercles d’amis, les hobbies jouent un rôle déterminant dans cette individuation progressive.
Des tensions qui viennent souvent des autres
Les véritables difficultés que peuvent connaître des enfants jumeaux sont bien plus souvent dues au regard des autres. De nombreuses cultures y voient un signe divin ou démoniaque, comme la preuve de l’infidélité de la mère ou comme l’annonce de troubles psychologiques. Les fantasmes sur la schizophrénie sont ainsi souvent liés à un dédoublement d’une même personnalité.
S’il est donc conseillé d’aider les frères et sœurs à se différencier les uns des autres, c’est surtout le regard social qui doit évoluer : expliquer les origines de la gémellité afin de la démystifier paraît ainsi nécessaire. Écouter les témoignages de jumeaux permet aussi d’en avoir une compréhension plus juste.
