La peinture historique, genre désuet mais toujours grand

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Il ne faut pas confondre peinture d’histoire et histoire de la peinture. Cette dernière est habitée par la peinture historique, qui remonte aussi loin que l’Antiquité égyptienne et commence à s’essouffler seulement au XIXe siècle, avec les transformations conjointes de l’Histoire comme discipline et de la peinture comme art. Elle reste, encore aujourd’hui, un genre noble et un modèle d’inspiration pour les apprentis peintres.

Toute une Histoire

Genre noble par excellence (« noble » au sens littéral, qui est au-dessus du commun), la peinture historique est certes tombée en désuétude auprès du grand public, mais elle reste l’un des fondements de l’enseignement académique. Et les élèves des Beaux-arts continuent de s’en inspirer et d’en imiter les styles durant leur apprentissage.

La peinture d’histoire est, par définition, celle qui se donne pour objet la représentation de scènes historiques, religieuses ou mythologiques. Elle consiste traditionnellement en de grandes toiles représentant des sujets nobles, et se montre volontiers allégorique et symbolique. Ce qui n’a pas empêché certains artistes de traiter de sujets contemporains d’importance nationale, comme le fit Jacques-Louis David.

Qu’il s’appuie sur des sources bibliques, mythologiques ou historiques, ou qu’il figure des scènes (politiques, notamment) contemporaines, le peintre d’histoire ne se contente pas de reproduire fidèlement un épisode ou un fait. Il doit aussi, à travers son coup de pinceau, poursuivre une vérité, découvrir un idéal, tout en choisissant un moment, un instant décisif au cœur d’une action donnée.

Trajectoires de la peinture historique

La peinture historique remonte à aussi loin que l’antiquité égyptienne, dont les artistes peignaient des scènes historiques (batailles victorieuses des Pharaons) ou religieuses (représentations des dieux et parcours dans le royaume des morts) sur les murs des hypogées et des palais. Mais c’est surtout à partir du monde hellénistique qu’elle prend son essor. En voici les grandes périodes :

  • L’Antiquité grecque : Polygnote, Zeuxis, Parrhasios, Protogène, Timanthe de Sicyone, Métrodore, Aétion puisèrent inlassablement dans les histoires et les mythes qui baignaient leur époque (guerre de Troie, victoires d’Alexandre le Grand, conflits entre Athéniens et Spartiates, scènes mythologiques sur l’Olympe, etc.).
  • Au Moyen-âge, ce sont les sujets religieux qui l’emportent : scènes bibliques, idéalisation des Saints et des vertus des martyrs, décadence des infidèles et des païens, etc.
  • L’Italie de la Renaissance fait revivre les traditions de la grande peinture historique. Giotto, Mantegna, Carpaccio, Bellini et autres artistes (du XIIIe au XVe siècles) reproduisent des scènes d’une pompe majestueuse, pleines de charme et de naturel. Mantegna signe, par exemple, un Triomphe de Jules César qui, non content de convoquer les victoires de l’Empereur romain le plus célèbre, évoque la noblesse héroïque du personnage. Puis, bien sûr, c’est Raphaël qui porte le genre à son apogée.

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Le genre en France

Les néoclassiques du début du XIXe siècle, héritiers de David, exaltent la peinture historique, utilisée à des fins de pédagogie, d’édification, mais aussi pour critiquer les mœurs de leur temps. Ces peintures n’illustrent pas seulement une scène historique ou religieuse, elles mettent en scène une leçon de morale afin de mieux pointer du doigt les dérives contemporaines.

Ainsi, la toile de Thomas Couture Les Romains de la décadence (1847), inspirée des vers de Juvénal stigmatisant le vice qui s’est abattu sur Rome, fait référence à la décadence morale qui règne sous la monarchie de Juillet en France. En illustrant la fin du monde romain du fait de ses dérives morales, Couture critique sa société et son temps par la métaphore.

Depuis la Restauration, la peinture historique est remise en cause, accusée d’être trop pompeuse et idéalisante, et de s’être trop éloignée du public. Pour être sauvée, elle doit accepter un assouplissement des frontières entre les genres, et s’intéresser moins à la grande Histoire qu’aux événements anecdotiques.

Le XIXe siècle est aussi une époque de renouvellement de l’approche historique. L’histoire, désormais considérée comme une discipline à part entière, évolue sous l’influence de Jules Michelet et Augustin Thierry. Ces historiens délaissent la tradition moralisante pour se concentrer sur les faits et les sources, et pour narrer les événements comme s’ils étaient vivants.

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Quelques grands noms de la peinture historique

Parmi les grands peintres du genre en France, voici ceux qu’il faut absolument retenir :

  • Nicolas Poussin, qui s’est illustré surtout dans les sujets tirés de l’Antiquité et de la mythologie. Il fut considéré comme le chef de l’école française. Citons, parmi ses peintures : Hannibal traversant les Alpes à dos d’éléphant, Le Massacre des innocents, La Destruction du temple de Jérusalem.
  • Jacques-Louis David, qui a voulu rendre au genre ses lettres de noblesse à une époque (XVIIIe siècle) où la grande peinture faiblit et se fait oublier derrière les frivolités du règne de Louis XIV. Parmi ses œuvres, citons : Le Serment du Jeu de Paume, La Mort de Marat, Le Sacre de Napoléon.
  • Géricault et Delacroix : tous deux puisent dans la peinture historique tout en s’interrogeant sur la peinture moderne, et font acte d’audace novatrice. Théodore Géricault signe Le Radeau des naufragés de La Méduse, et Ferdinand-Victor-Eugène Delacroix peint L’Entrée des Croisés à Constantinople, La Justice de Trajan ou encore La Mort de Sardanapale.
  • Jean-Léon Gérôme fut à la fois peintre historique et orientaliste. Il a été un représentant de la peinture académique sous le Second Empire. Citons Bonaparte devant le Sphinx, Pollice verso ou Jules César entouré de ses généraux.
  • Paul Delaroche se signale comme le créateur de la peinture archéologique, entre genre et histoire. Parmi ses œuvres, citons plusieurs peintures prenant Jeanne d’Arc comme sujet, Les Dernières heures du cardinal Mazarin, L’Assassinat du duc de Guise.

Ces grands représentants de la peinture historique prouvent que, si le genre est tombé en désuétude, il n’est pas mort pour autant, et restera pour longtemps une influence majeure dans les arts picturaux.

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