Zoom sur une photographie : l’Afghane aux yeux verts

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Prise en 1984 dans un camp de réfugiés au Pakistan, la photo dite de l’Afghane aux yeux verts est rapidement devenue l’une des images les plus iconiques de la photographie moderne. Emblématique du magazine National Geographic, dont elle fit la couverture en 1985, elle a également contribué à rendre célèbre son auteur, Steve McCurry. Mais qui était cette jeune femme au regard si pénétrant, et quelle est l’histoire de ce cliché ?

Steve McCurry et l’histoire d’une photographie

Connu pour sa photographie en couleur, dans la plus pure tradition du reportage documentaire, Steve McCurry a réalisé des clichés d’une beauté fascinante et hypnotique, dont il est parfois difficile de détourner les yeux. Ses portraits, pris au fil de ses voyages en Asie et en Amérique du Sud, respirent l’authenticité et pleurent de réalisme.

Nous sommes loin, il est vrai, des artifices d’un David LaChapelle ou de la vie fantasmée des stars du show business captée par les délirantes compositions d’Annie Leibovitz. Steve McCurry valorise la patience et l’autodétermination. Il laisse les choses advenir devant son objectif. Il sait attendre, pour que « les gens oublient l’appareil et [que] leur âme pénètre dans l’image ».

En 1968, à 18 ans, il quitte les États-Unis pour voyager : Europe, Amérique du Sud, Afrique. Le jeune homme aime à explorer et découvrir de nouvelles cultures. Désireux d’exercer un métier qui colle à ses aspirations, il part bientôt en Inde comme photographe pigiste. C’est de là qu’il rejoindra le Pakistan, puis l’Afghanistan, à l’aube de la longue guerre contre les Soviétiques.

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L’Afghane aux yeux verts

C’est au Pakistan, en 1984, que Steve McCurry tombe, dans un camp de réfugiés, sur cette Afghane aux yeux verts, qu’il prend en photo sur un film couleur Kodachrome, et dont il n’apprendra le nom que 17 ans plus tard : Sharbat Gula.

Au moment de la photographie, la jeune fille n’a que 13 ans ; elle suit les cours dispensés dans l’école éphémère du camp de réfugiés de Nasir Bagh, au Pakistan, où les populations afghanes ont fui l’invasion soviétique.

De son vrai titre La Femme afghane (Afghan Girl), le portrait de l’Afghane aux yeux verts, avec son regard pénétrant et très expressif qui fixe l’objectif, sa moue insaisissable digne de Mona Lisa et son écharpe rouge passée par-dessus la tête, est devenu un double symbole. Celui de la guerre en Afghanistan, d’abord. Celui de la situation de tous les réfugiés dans le monde, ensuite.

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Un cliché à la destinée renversante

L’Afghane aux yeux verts fait la couverture de l’édition de juin 1985 du National Geographic Magazine. Le cliché, d’une beauté stupéfiante, deviendra le plus emblématique de la revue, repris plus tard en une à l’occasion d’un ouvrage rétrospectif des 100 meilleures photographies de l’histoire du magazine.

Ironie du sort, cette image culte a bien failli ne pas se retrouver sur cette couverture. On apprend dans cet article que le responsable du service photo du National Geographic avait hésité avec un autre cliché… de la même jeune femme ! Ce dernier la montrait avec une partie du visage couvert, se découpant sur un arrière-plan plus sombre.

C’est Steve McCurry lui-même qui relaie cette anecdote dans son livre autobiographique, Untold : The Stories Behind the Photographs. Sans doute, si l’Afghane aux yeux verts n’avait pas fait la une de la revue telle qu’on la connaît, n’aurait-elle pas embrassé la même destinée. Ou peut-être que oui. Qui sait si le destin de Sharbat Gula n’était pas gravé… sur pellicule ?

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L’Afghane aux yeux verts, 17 ans après

En janvier 2002, à quelques semaines du début de l’intervention internationale en Afghanistan, conséquence des attentats du 11-Septembre, Steve McCurry se rend sur place avec une équipe de télévision. Son objectif ? Retrouver son Afghane, en apprendre plus sur l’icône emblématique de la photographie mondiale. L’aboutissement de 10 ans de recherches.

L’expédition est un succès : Sharbat Gula a une trentaine d’années, trois enfants et un visage aux traits profondément marqués. Elle découvre le triomphe remporté par son portrait, et accepte de poser de nouveau devant l’objectif de McCurry. La comparaison des deux clichés est impressionnante : elle permet de prendre toute la mesure du temps qui passe.

L’expérience trouble le photographe, qui quitte l’Afghanistan avec la sensation dévorante d’être reparti sans avoir pu soulager la détresse de cette femme et de sa famille. De retour aux États-Unis, il propose le nouveau cliché à la rédaction du National Geographic. Et, 17 ans après sa première apparition, l’Afghane aux yeux verts refait la une du célèbre magazine.

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