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Mort en 1954 en sautant sur une mine en Indochine, alors qu’il suivait les troupes françaises, Robert Capa est décédé comme il a vécu : au plus près de la guerre, au centre des événements, au cœur du danger. Celui qui disait que « si la photo n’est pas assez bonne, c’est que tu n’étais pas assez près » a initié le photojournalisme moderne : sur le front, toujours, et sans peurs.

L’œil du photographe

L’œuvre de Robert Capa compte un bon millier d’images. De quoi composer un ouvrage cohérent, fondé sur un style qui se décline en code visuel : être au plus près des corps et de l’action, faire acte de proximité autant que de compassion. Capa a enregistré les instants fragiles de l’existence, jusqu’à capter la mort dans son impossibilité même : l’irreprésentable se découvre à la lumière de l’objectif.

Humaniste, donc, avant d’être photographe. Témoin de la douleur des hommes (et parfois, aussi, de leur éphémère bonheur) qui se fichait parfois du cadre ou de la netteté de l’image, dès lors que ladite image pouvait exister, naître au monde, et s’imposer dans les mémoires et dans les consciences. Il fallait de la bravoure pour s’insinuer au cœur des combats ; et un peu de folie, aussi.

Néanmoins, la proximité du cliché ne rend pas compte de l’horreur, ne restitue pas pleinement le drame de la guerre. C’est sans doute le paradoxe : celui de l’art de la photographie de guerre, celui de la vie même du photographe. L’œuvre de Capa, comme son existence, ont quelque chose d’inexorablement flou. C’est d’ailleurs le titre de son autobiographie, Slightly Out of Focus (« un peu flou »).

Vie, exil et naissance de Robert Capa

Essayons d’éclaircir le flou de cette vie tumultueuse, située quelque part entre exils et conflits. Capa est né Endre Ernö Friedmann, en 1913, à Budapest, dans une famille juive hongroise. Son adolescence est turbulente, comme celle de tous les jeunes de son âge, mais la Hongrie autoritaire ne plaisante pas. Arrêté pour participation à des activités politiques, à 17 ans, il est forcé à l’exil.

Ce sera Berlin, avec l’ambition, déjà prégnante, de faire carrière dans le journalisme. Il y apprend les rudiments du métier de photographe tout en suivant des études de sciences politiques. Simon Gutman lui donne l’opportunité de couvrir son premier sujet : Trotski est à Copenhague, pourchassé par les sbires de Staline. En 1932, c’est donc le premier reportage publié de Friedmann.

L’arrivée au pouvoir d’Hitler le pousse à franchir de nouvelles frontières : Vienne, puis Paris, où il se lie avec des camarades antinazis au gré de ses fréquentations. Parmi les Juifs émigrés, le voilà en compagnie d’Henri Cartier-Bresson. Il devient André Friedmann, un prénom plus facile à porter. Et rencontre sa maîtresse pour les années à venir, Gerda Taro.

Dans un contexte où la photographie connaît un âge d’or, Friedmann veut forcer le destin. Il s’invente une identité : le photographe américain Robert Capa, riche, célèbre, à faire pâlir les agences et les magazines. Le stratagème ne prend pas racine, mais avant que quiconque s’en soit rendu compte, Capa a évincé Friedmann, l’Américain a supplanté le Hongrois.

Robert Capa, un humaniste chez les photographes 3

L’Amérique

Alors qu’en 1938, la revue Picture Post l’a proclamé « plus grand photographe de guerre du monde », Capa s’exile de nouveau, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, direction New York. Après avoir multiplié les reportages au cœur du conflit, il rentre aux USA et suit sa maîtresse Ingrid Bergman à Hollywood, où il travaille comme photographe de mode et de plateau.

Leur liaison est de celle dont on fait les contes de fées. Alfred Hitchcock s’inspire de leur histoire d’amour pour écrire le scénario de Fenêtre sur Cour ; il a connu Capa lorsque celui-ci prenait des clichés sur le plateau des Enchaînés, qu’il tournait avec Bergman et Cary Grant.

Avant de partir pour l’Indochine où il trouvera la mort, Capa fait deux voyages fameux. D’abord en Union soviétique avec John Steinbeck, en 1947, pour illustrer le Russian Journal de l’écrivain américain. Puis il assiste à la naissance de l’État d’Israël en 1948. Il tirera de ses séjours sur place un livre de photos, Report on Israel, accompagné de textes d’Irwin Shaw.

Son grand fait d’armes, c’est la création de la coopérative Magnum, en 1947, avec David Seymour, Henri Cartier-Bresson, William Vandivert et George Rodger – qui regroupe aujourd’hui les photographes et photojournalistes les plus célèbres au monde. La coopérative permet aux artistes de garder les droits sur leurs photos, ce qui n’était pas le cas dans les agences traditionnelles.

Robert Capa, un humaniste chez les photographes 2

Robert Capa et la guerre

Capa a surtout été un photographe de guerre, toujours installé avec son appareil au plus près des conflits, des combats et des souffrances. C’est d’abord la guerre civile espagnole, en 1936, qu’il couvre aux côtés des troupes républicaines. Il y prend la photo qui le rendra célèbre, celle d’un soldat républicain fauché par une balle, sa chemise blanche contrastant avec son fusil levé.

Puis, c’est la guerre sino-japonaise en 1938, envoyé par le magazine Life dont il fait la couverture avec le cliché d’un enfant chinois habillé en militaire. La Seconde Guerre mondiale l’attire d’abord en Afrique du Nord, puis en Sicile en 1942, où il immortalise le courage des populations locales face au conflit.

Robert Capa est le seul photographe présent sur la plage d’Omaha Beach, le jour du Débarquement allié, le 6 juin 1944. Pendant près de 6 heures, aux côtés des soldats qui tombent en masse sous le feu allemand, Capa mitraille sur pellicule. Sur les 119 photos qu’il a prises, à cause d’une mauvaise manipulation d’un laborantin de Life, seules 11 sont tirées, et floues encore.

Cette version est remise en cause depuis quelques temps : des incohérences laissent à penser que ces 11 photos sont les seules qui aient jamais existé. Le laborantin maladroit serait ainsi une histoire inventée pour forger la légende d’un Capa téméraire et dénué de peurs, ayant risqué sa vie pendant des heures au cœur de la bataille, quand en réalité il n’y serait resté qu’un court laps de temps.

Robert Capa, un humaniste chez les photographes 5

La mort est toujours solitaire

Les polémiques, toutefois, ne détruisent pas une œuvre – ni celle-ci, récente, sur les photos du Débarquement, ni l’autre, plus ancienne, sur l’authenticité du cliché Mort d’un soldat républicain. Sa mort, à lui, sera bel et bien authentique, malheureusement : une mine antipersonnel le tue sur le coup, alors qu’il suit les troupes françaises dans le Tonkin, en Indochine, en 1954. Il avait 40 ans.

Tenant de la proximité photographique, Robert Capa savait aussi garder ses distances, celles de l’élégance et du respect des êtres humains. L’appareil photo doit savoir se faire discret, et faire son office sans rompre la délicatesse de l’intimité. Pas de voyeurisme chez lui, pas de violence graphique. Au contraire, Capa dessine, avec de la lumière, un schéma émotionnel, une esquisse de nostalgie.

Réfugiés, mamans sous la mitraille, terres et villes en ruines, détresses des vaincus, sont les figures utilisées par Capa pour composer ses clichés, figures élevées au rang de grammaire photographique et éthique. Sa compassion est universelle, multiple ; mais sur ses photos, la mort est toujours solitaire. La sienne l’était aussi. La boucle était bouclée.

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Injuste, le temps qui passe nous fait oublier l’influence fondamentale que certaines personnalités ont pu exercer sur leur art. Diane Arbus est de celles-là. Photographe atypique mais fondamentale, elle a travaillé autour d’un double mouvement : dévoiler le familier à l’intérieur de l’étrange, et révéler la faille du quotidien derrière laquelle s’agite l’extraordinaire et le merveilleux.

Une photographe qui impressionne

L’emprise de Diane Arbus sur la photographie américaine tient de la possession, au sens où cette femme extraordinaire, qui a imposé au 8e art ses deux grandes trajectoires ethnographiques, la marginalité et l’intime, continue de hanter les objectifs de tous ceux qui s’essaient à ce métier.

Elle est l’une des rares représentantes de sa profession à avoir eu droit à son propre film. Dans Fur, réalisé par Steven Shainberg, Nicole Kidman incarne une Arbus lunaire et distante. Le film, sous-titré « portrait imaginaire », inspiré pour sa part réaliste de la biographie rédigée par Patricia Bosworth, fait la part belle à l’imagerie de l’étrange qui fut la marque de fabrique de la photographe.

Fur évoque le processus par lequel une épouse et mère ordinaire des années 40/50 aux USA devient, par le biais de la photographie, une femme émancipée, solitaire et torturée, qui s’aventure sans peurs – ni préjugés – dans les marges de la société. Telle une Alice prenant le raccourci du terrier pour plonger dans un Pays pas si merveilleux que cela.

Déviations et déviance

En tentant d’esquisser par le filtre de l’imaginaire le portrait d’une photographe qui a elle-même œuvré dans la portraitisation du bizarre, Fur devient sa propre contradiction. C’est la raison pour laquelle ce film, raté, n’en rend que mieux hommage à son personnage. Car le portrait d’Arbus est celui d’une déviation qui conduit à une déviance, d’un décrochage progressif de la ligne bien droite du mainstream.

Mainstream ? Diane Arbus ne connaît pas. Elle, elle a embrassé les marges, au risque de plonger dans les caniveaux. Elle a bravé les interdits, mis la tête dans les bas-fonds et s’est passionnée pour les égouts – au sens métaphorique de ce qui se trouve sous la surface. En cela, elle a été, de son vivant, un personnage de film hollywoodien : une désaxée.

Ses photos, étranges et inquiétantes, dévoilent le double mouvement du familier qui devient étrange, et de l’étrange qui laisse paraître le familier. Un jeune garçon qui tient une grenade à la main, dans Central Park. Une femme sur un banc, modèle de plusieurs clichés, qui s’avère être un homme en pleine transformation.

De l’autre côté du miroir avec Diane Arbus 2

New York, New York

Son inspiration, Diane Arbus la puise dans la ville de New York, qu’elle traite à la fois en territoire connu et en terre étrangère. Ainsi, elle produit une anthropologie de l’Amérique contemporaine à travers des portraits de gens saisis dans leur existence au jour le jour, dans leurs mœurs ordinaires et dans les décors de leur banalité.

Pour autant, en photographiant le bizarre et le marginal, l’atypique et l’insolite, bref tout ce qui ne colle pas aux stéréotypes les plus en vogue, Arbus a, paradoxalement, souligné combien le modèle le plus désaxé bascule toujours vers une part de familier et de banalité quotidienne.

Il faut voir, par exemple, ses clichés de nudistes – qui, précisément, sont devenus des clichés au sens figuré. Ces hommes et ces femmes, entièrement nus à l’exception d’accessoires, qui fixent l’objectif avec sérénité et en souriant, et qui vaquent à leurs occupations (Retraité et sa femme chez eux un matin dans un camp de nudistes, New Jersey, 1963) ; n’est-ce pas le triomphe du normal ?

Idem pour ces portraits de marginaux, handicapés, « monstres » de foire, transsexuels, tous captés dans leur quotidien et nimbés d’une réalité routinière qui n’est pas sans les rétablir dans une trajectoire qui serait celle de monsieur-tout-le-monde.

En somme, Diane Arbus photographie des êtres réels, usés comme tous les autres par l’emprise du quotidien, vivant dans des intérieurs modestes, portant des bigoudis ou des bas filés, parfois caractérisés par un certain goût du kitsch – bref, nos voisins, nos collègues de travail, les habitants d’un monde qui est aussi le nôtre.

De l’autre côté du miroir avec Diane Arbus 4

Diane Arbus, bourgeoise en rupture de ban

Pour les phénomènes de foire, pas de compassion. Arbus montre, au contraire, comment ces personnages sont dotés d’une épaisseur supplémentaire, une sorte de cuir psychologique naturel qui provient du fait qu’ils sont nés avec leur propre traumatisme, ce traumatisme que la plupart des êtres « normaux » craignent leur vie durant.

« Ce sont des aristocrates », conclut Arbus. Provocation ? Non, la formule est subtile, et bien plus profonde qu’elle n’y paraît. Car c’est aussi d’elle-même que parle Arbus. De ses failles personnelles. Enfant de la respectable bourgeoisie new-yorkaise, elle a tout fait, comme elle le dit elle-même, pour dégringoler l’échelle sociale.

Née Diane Nemerov en 1923, au sein d’une riche famille juive propriétaire du magasin Russeks, sur la Cinquième Avenue, elle épouse, à 18 ans, un photographe désargenté du nom d’Allan Arbus. Ensemble, ils pratiquent leur art et se font connaître avec des couvertures de magazines.

Folle d’admiration pour son époux et d’amour pour ses deux filles, Arbus subit un drame personnel lorsque, à ses 38 ans, Allan la quitte pour une actrice. La photographie devient sa raison de vivre. Elle expose, en 1967, au Musée d’art moderne aux côtés de Garry Winogrand et de Lee Friedlander. Sa photo des deux jumelles en habit du dimanche, identiques et différentes à la fois, la rend célèbre.

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De l’autre côté du miroir

Pour nous faire passer de l’autre côté du miroir, Diane Arbus impose son style austère : noir et blanc, format carré qui emprisonne ses modèles. Cette esthétique de la non-esthétique accentue son désir de brouiller les frontières traditionnelles : entre masculin et féminin, entre normalité et anormalité, entre équilibre mental et folie.

Ce goût pour l’inconnu et l’étrange, elle le tient de celle qui fut sa professeur à la New School, Lisette Model, photographe fameuse pour ses portraits de pauvres et de vieillards, grotesques et touchants à la fois. Model a enseigné à Arbus comment faire du tabou son angle de vue et des nuances du bizarre sa palette de couleurs. Elle lui a montré la voie d’un art de la faille plus que de la fugue.

Arbus a peut-être trop bien retenu la leçon. En 1971, à l’âge de 48 ans, dépressive, elle se suicide en se bourrant de barbituriques avant de se tailler les veines. À force de côtoyer l’autre côté du miroir, sans doute avait-elle décidé d’y rester.

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La plus célèbre des portraitistes du monde est aussi la plus exubérante. Avoir photographié des stars toute sa carrière a peut-être tourneboulé Annie Leibovitz au point que l’artiste est criblée de dettes et pourrait perdre le travail de toute une vie. Il n’empêche que ses portraits méritent tous les superlatifs, de surprenants à grandioses.

La vie est une fiction

Pour Annie Leibovitz, il n’y a pas de séparation franche entre le travail et la vie : les deux ne sont que les facettes d’une même médaille. Elle a appliqué ce mélange des genres à l’un de ses récents ouvrages, La Vie d’une photographe (paru en France aux éditions de La Martinière, en 2006).

Dans ce livre, la photographe a mélangé des clichés de célébrités à des instantanés personnels : ses parents, ses enfants, ses proches sont passés devant son objectif – et Susan Sontag, bien sûr, Sontag l’écrivain et essayiste, Sontag la chantre du féminisme, Sontag qui fut sa compagne jusqu’à son décès en 2004.

Il y a même une photo d’elle : Leibovitz nue et enceinte, reproduisant le cliché ultra-célèbre de Demi Moore qu’elle avait pris pour Vanity Fair en 1991 – l’un de ceux qui ont marqué sa prolifique carrière. Comme si elle voulait nous confirmer qu’il a toujours existé une confusion entre ceux qu’elle photographiait et celle qui les photographiait.

Like a Rolling Stone

Annie Leibovitz a commencé à fourbir ses objectifs au sein du magazine Rolling Stone, qu’elle rejoint en 1970, juste après sa création. Son portfolio suffit à convaincre sa fondatrice Jann Wenner de l’engager ; deux ans plus tard, elle est propulsée photographe en chef.

Son premier job ? Shooter John Lennon, au sens artistique. Ironiquement, elle photographiera le chanteur une dernière fois, avec Yoko Ono, quelques heures avant son assassinat le 8 décembre 1980. Son cliché fait la couverture de Rolling Stone en janvier 1971. Celui des derniers instants de Lennon fera lui aussi la une, celle de l’édition commémorative du magazine – élue meilleure couverture des 40 dernières années.

Quand la revue musicale passe à la couleur, Leibovitz doit s’adapter : durant ses cours du soir, alors qu’elle étudiait la peinture à San Francisco, elle n’a appris à travailler qu’en noir et blanc. Elle se plonge dans la technique et immortalise les nuances colorées de Bob Dylan, Bob Marley et Patti Smith.

Ses clichés de Mick Jagger et de Keith Richards, complètement abandonnés au pouvoir de l’appareil, font le tour du monde. Tout comme Leibovitz qui suit en tournée internationale les Rolling Stones pour… Rolling Stone.

La vie fantasmée des stars shootée par Annie Leibovitz 2

Annie Leibovitz entre dans la mode

1983 est l’année de la publication de son premier recueil de photos et de son entrée dans le monde de la mode. Elle rejoint Vanity Fair et s’applique à développer un style exubérant, s’amusant à mettre les stars dans des positions fantasmatiques. Whoopi Goldberg plongée dans un bain de lait ou Demi Moore nue et enceinte font partie de ses victimes (consentantes).

Ses portraits paraissent dans Vogue, le New York Times Magazine et le New Yorker. Elle participe à des campagnes publicitaires – en shootant des possesseurs fameux de la carte American Express, Elmore Leonard, Tom Selleck ou Luciano Pavarotti – et s’insinue dans les coulisses du cinéma (Brad Pitt, Michael Moore) comme dans celles de la politique (le cabinet de George W. Bush, Madeleine Albright).

La reine Elizabeth, Barack Obama, Carla Bruni, Uma Thurman et Nelson Mandela se bousculent devant son objectif. Pour elle, Scarlett Johannson et Keira Knightley se dévêtissent, tandis que Tom Ford se rhabille. Suri Cruise pointe le bout de son nez, entre ses parents Tom et Katie.

En 1991, la National Portrait Gallery à Washington lui rend un vibrant hommage en exposant ses photographies – une exhibition qui fera le tour du monde six années durant. Elle fut la première femme à avoir l’honneur de la digne institution. Ses portraits conversaient avec ceux, peints ou pelliculés, des grandes personnalités de l’Histoire américaine.

Des stars au pays des merveilles

Mêlant hyperréalisme et humour, fantasme et fantastique, Annie Leibovitz est parvenue à imposer à peu près tout et n’importe quoi à ses modèles comme aux magazines qui lui ont laissé carte blanche. Ses mises en scène furent extravagantes, ses shootings onéreux, les costumes choisis luxueux au possible.

Elle s’est inspirée de mythologie autant que de culture populaire pour mélanger les personnalités d’aujourd’hui aux légendes d’hier : Jessica Biel en nymphe grecque, Jessica Chastain dans le costume de l’héroïne du film Rebelle de Pixar, Keira Knightley dans une adaptation modernisée du Magicien d’Oz ou Karl Lagerfeld régnant sur le Pays des merveilles.

Elle a fait fermer le parc de Versailles et le Petit Trianon pour y photographier Kirsten Dunst dans le costume de Marie-Antoinette, et a fait construire un bassin façon Titanic pour y plonger Kate Winslet. Aussi rigoureuse dans son métier que dispendieuse dans sa vie, Leibovitz vit dans un autre monde, constitué de notes de frais délirantes et d’une armée d’assistants.

La vie fantasmée des stars shootée par Annie Leibovitz 3

Sa part d’ombre

Mais Leibovitz, ce n’est pas que le charme et les paillettes. Connue pour ses dépenses incontrôlables, ses appartements achetés sur un coup de tête à New York et Paris, ses travaux dignes d’Hercule (aux coûts dignes de Crésus), criblée de dettes, la photographe pourrait tout perdre. Elle aurait « oublié » de payer ses impôts. La « phobie administrative » aurait-elle fait des victimes outre-Atlantique ?

Une part d’ombre se fait jour chez elle, que certaines de ses photos laissaient paraître. Sous la houlette de Susan Sontag, son inspiratrice, Leibovitz part à Sarajevo en 1993 en pleine guerre des Balkans. Elle en tire un ouvrage, accompagné de textes signés Sontag, dont les photos sont la négation même de ses portraits de stars, et révèlent un autre monde.

Il suffit de regarder sa photo célèbre du vélo – « Fallen Bicycle of Teenage Boy Just Killed by a Sniper » – pour s’en convaincre : il n’y a pas que du rose dans l’œuvre de cette immense photographe, qui a su capter la violence intrinsèque à l’homme aussi bien que la sensualité des actrices de notre temps.

Vous pouvez aller admirer ses photos sur son Tumblr.

La vie fantasmée des stars shootée par Annie Leibovitz 4

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