Depuis le début des années 2000, la situation du surendettement des ménages ne cesse de s’aggraver, comme un rouleau compresseur dont on aurait bloqué la pédale d’accélération. Quels en sont les facteurs, comment s’en sortir, et que fait l’État pour empêcher que de telles situations économiques à risques ne se multiplient ?
Portrait d’un surendettement ordinaire
Le surendettement des ménages français est en progression constante depuis le début des années 2000, et ne semble pas vouloir s’arrêter en si bon chemin. En 2013, le nombre de dossiers déposés devant les commissions de surendettement de la Banque de France était en hausse par rapport à 2012 : 223 012 déclarations contre 220 836 l’année précédente.
Dans son rapport de juin 2015 sur la typologie du surendettement des ménages, la Banque de France dresse l’état des caractéristiques sociodémographiques, professionnelles et économiques du surendettement français :
- La population des ménages surendettés est dominée par les personnes vivant seules : célibataires, séparés, divorcés ou veufs. Les 35-44 ans et les 45-54 ans sont les plus représentés.
- Les personnes locataires sont majoritairement concernées, à 77,5%.
- Les personnes en situation de surendettement sont : des chômeurs (28,7%), des personnes sans profession (11,9%), des personnes sans activité professionnelle pour raisons diverses, médicales ou non (9,7%), le tout formant une part de 50,3% des personnes concernées. Parmi le reste, on compte 34,4% d’employés et 24,3% d’ouvriers.
Les facteurs du surendettement des ménages
Le surendettement s’explique par des difficultés de trésorerie et de solvabilité, qui se traduisent par un endettement mixte partagé entre crédits à consommation (dans 84,9% des dossiers) et arriérés de charges courantes (dans 81% des dossiers).
Les types de dettes que l’on retrouve le plus souvent dans les dossiers sont :
- Les dettes immobilières (31,3% de l’endettement global)
- Les dettes à la consommation (45,9% de l’endettement global) : crédits renouvelables et crédits personnels
- Les découverts et dépassements (1,9% de l’endettement global)
- Les dettes de logement (5,1% de l’endettement global)
- Les dettes fiscales (2,4% de l’endettement global)
- Les dettes d’énergie et de communication (2% de l’endettement global)
Souvent mis en accusation, les crédits renouvelables tiennent un rôle prépondérant dans ces situations critiques : ils sont présents dans plus de 70% des dossiers, même s’ils ne constituent pas la majeure partie de l’endettement global (les dettes immobilières sont plus élevées eu égard à la valeur plus importante du bien acquis).
Procédure de surendettement
Une situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste, pour le débiteur de bonne foi, de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. Si c’est le cas, une procédure de surendettement peut être engagée, qui est entièrement gratuite.
Cette procédure se déroule comme suit :
- Il faut saisir la commission de surendettement à titre personnel, ou conjointement avec l’accord de la personne avec laquelle vit le demandeur
- Elle ne peut être saisie que pour des dettes non professionnelles
- La situation d’endettement doit être caractérisée : le demandeur doit être dans l’impossibilité de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles passées, présentes ou à venir :
- échéances de prêt immobilier non payées
- échéances de prêts à la consommation non remboursés
- impayés de loyers
- arriérés d’impôts sur le revenu
- Il convient d’être de bonne foi, d’être sincère lors de sa déclaration et de n’avoir pas organisé son insolvabilité.
Il faut ensuite constituer un dossier comprenant :
- Le formulaire Cerfa n°13594*01 accompagné des pièces justificatives demandées
- Une lettre (voir modèle ici) demandant à bénéficier de la procédure et expliquant la situation et les raisons du surendettement, signée
- La liste des procédures d’exécution en cours sur les biens et les saisies sur rémunération
- Une potentielle procédure d’expulsion si c’est le cas
Une fois complet, le dossier doit être transmis au secrétariat de la commission de surendettement la plus proche du domicile (il en existe une dans chaque département). Il peut être remis sur place ou envoyé par courrier.
Comment s’organise la lutte au sommet de l’État
Avec la loi Consommation, le gouvernement a réaffirmé sa volonté de lutter contre les situations de surendettement des ménages français, en s’attelant à rééquilibrer les pouvoirs entre consommateurs et professionnels. Voici ce que stipule cette loi :
- Obligation de proposer au client des alternatives au crédit renouvelable : pour tout crédit à la consommation supérieur à 1 000€, le commerçant est obligé de proposer, en alternative au crédit renouvelable, un crédit amortissable – dans le cadre d’un projet particulier et avec des valeurs (montant, taux, mensualités) définies à l’avance.
- Suspension des lignes de crédits non actives liées aux cartes de fidélité de certains commerces au bout d’un an, au lieu de deux auparavant.
- Étalement des plans conventionnels de rétablissement sur 7 ans et non plus sur 8 ans, afin de faciliter le retour à l’équilibre.
- Interdiction des hypothèques rechargeables – elles permettaient aux emprunteurs d’engager leur bien immobilier en guise de garantie.
- Suppression des frais de rejet pour les services essentiels : énergie et télécoms, et bientôt services liés à l’eau et à l’assainissement. Cette mesure évite de fragiliser encore plus les ménages déjà financièrement à l’agonie auxquels les banques prélevaient des frais de rejets.
Le surendettement des ménages est un problème majeur qui ne cesse de s’aggraver. Il engage la responsabilité des personnes qui se sont laissées entraîner dans l’infernale spirale, mais également les créanciers et les institutions (sociétés de crédits renouvelables, banques qui prélèvent des frais exorbitants en cas de fragilité financière) qui, plutôt que d’enrayer la machine, l’encouragent plutôt.
Aucune loi n’a stoppé la progression de cette maladie qui plonge des ménages dans le désespoir. Heureusement, des idées viennent directement de la société civile, ainsi cette vidéo qui propose d’établir, comme c’est le cas pour tous les autres pays européens, un registre des crédits :